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« Toutes les nuits du monde convergent vers la nuit pascale »
Article mis en ligne le 15 avril 2020

par Fr Manuel Rivero o.p.

Jusqu’au Dimanche de la Miséricorde, chaque jour est jour de Pâques ! Et l’Église continue de célébrer la mort et la résurrection du Christ. Voici la prédication de Fr Manuel Rivero o.p. pour la dernière veillée pascale, afin d’enrichir notre méditation.

«  O nuit, plus belle que le jour,
O nuit, plus lumineuse que le soleil,
O nuit, plus blanche que neige,
Plus brillante que nos flambeaux,
Plus douce que le paradis  ».

C’est ainsi qu’un évêque du IVe siècle dans l’actuelle Turquie chantait le mystère de la nuit pascale qui a vu resplendir dans le ciel la lumière du Christ ressuscité.

Toutes les nuits de l’histoire du monde convergent vers la nuit pascale. Nuit de la création éclairée par le soleil. Nuit de la libération de l’esclavage d’Egypte lors de l’exode. Nuits des priants qui veillaient jusqu’à l’aurore. Nuit des bergers revêtus de la clarté de la gloire de Dieu à Noël. Nuit de la tempête déchaînée au cours de laquelle Jésus a marché sur les eaux du lac de Tibériade. Nuit de la trahison de Judas. Nuit du reniement de Pierre. Nuit de garde à vue de Jésus dans la maison du grand-prêtre. Nuit d’ensevelissement de Jésus le Vendredi saint. Nuit de Pâques !
«  Ceux qui sèment dans les lames moissonnent en chantant  » (Psaume 126,5), prie le psalmiste. Après les angoisses de la nuit arrive la joie de l’aurore. La Vierge Marie brille dans l’Église comme la femme de l’espérance qui attendu la résurrection de son Fils Jésus dans la lumière intérieure de la foi.

« Au soir les larmes, au matin les cris de joie » (Benn, Psaume 30)

Benn, le peintre d’origine russe, nous a légué un riche héritage spirituel en représentant de manière symbolique les Psaumes. Il a excellé dans la présentation des Psaumes où le croyant a connu les ténèbres et la peur de la mort. Dans ses tableaux, la lumière naît de la nuit, la joie trouve ses racines dans la douleur : «  Au soir les larmes, au matin les cris de joie  » (Psaume 30). Benn avait vécu caché dans un sous-sol à Paris pendant la guerre. Dans les profondeurs sans lumière il a compris la force de Dieu qui fait passer de l’obscurité à la clarté de la résurrection.

En cette nuit pascale, nous pensons aux chrétiens persécutés dans le monde, obligés de se cacher ou de subir la prison et la violence. «  Le sang des martyrs, semence des chrétiens  », enseignait Tertullien. L’an dernier, lors du chapitre général de l’Ordre des prêcheurs célébré au Vietnam, les frères dominicains arrivés des cinq continents ont été émerveillés par la jeunesse et le dynamisme des chrétiens vietnamiens : des milliers de jeunes séminaristes, de jeunes religieuses, des églises combles pour les messes. Ces fidèles sont les fils spirituels des martyrs. D’ailleurs, les chrétiens proviennent de la région du nord du Vietnam qui connut la persécution la plus cruelle. Le frère Valentin de Berriochoa, dominicain évêque et martyr au Tonkin dans le nord du Vietnam, en est un exemple. Il a été ordonné évêque à quatre heures du matin, dans la nuit. Sa crosse était une canne de bambou et sa mitre était en carton. À peine ordonné évêque, le nouvel évêque ordonnait parfois son successeur pour ne pas laisser l’Église sans pasteur lors des persécutions.

Aujourd’hui, ceux qui souffrent la maladie du coronavirus avec foi et toux ceux qui se dévouent à leur service au risque de la contagion, témoignent de la dignité sacrée de la personne humaine. La prière des malades touche le cœur de Dieu et fait jaillir une fontaine de grâces pour l’humanité. Et nous pouvons nous réjouir de voir le corps médical mis en valeur. Dans les médias, ils occupent avec justice la place remplie habituellement par les matchs de football.

Trois mots d’action peuvent éclairer notre temps de confinement : résister, résilience, résurrection.

  • Résister à la maladie dans la prudence à l’aide des soins médicaux. Les chrétiens ne se résignent pas. Ils se battent pour la vie.
  • Résilience : apprendre dans la souffrance et la peur pour devenir meilleur. «  Tout concourt au bien de ceux qui cherchent Dieu  » (Romains 8,28), enseigne saint Paul.
  • Résurrection : accueillir la grâce pascale pour vivre de la vie même de Jésus ressuscité. Passer du repli sur soi au don de notre vie, des ténèbres de l’ignorance à la connaissance de l’amour de Dieu vainqueur de la mort, passer du péché qui nous enferme à la liberté des enfants de Dieu. «  Vous êtes ressuscités avec le Christ  » (Col 3,1), déclare saint Paul. Dès maintenant, nous participons à la résurrection de Jésus. L’énergie de l’Esprit Saint qui a relevé Jésus d’entre les morts agit aussi en nous. La résurrection du Christ concerne notre avenir — la mort sera vaincue —, elle regarde aussi notre présent, chacun d’entre nous reçoit une mission à accomplir de la part du Christ Jésus. Si nous venons à échapper à la maladie, ce sera aussi un signe que Dieu nous veut vivants pour faire grandir la vie, l’amour et la foi en Dieu.

Le Christ Jésus est ressuscité dans la nuit pour éclairer ceux qui marchaient dans les ténèbres. Il est sorti du tombeau pour que nos esprits s’ouvrent à l’intelligence des Écritures. Il est sorti du tombeau pour que nous sortions des tombeaux du péché. Il est sorti du tombeau afin que nos tombeaux s’ouvrent pour la vie éternelle lors du Jugement dernier.

Ressuscité, Jésus a transformé son tombeau en berceau du Premier-né d’entre les morts, prémices d’une multitude de frères, c’est-à-dire des croyants qui recevront le baptême pour renaître de l’eau et de l’Esprit.

Les chrétiens relient la résurrection de Jésus au baptême qui dans la primitive Église était célébrée la nuit de Pâques :

«  Nuit nuptiale de l’Église
Qui fait naître les nouveaux baptisés
Où nous veillons avec les anges.
Nuit pascale, une année attendue.  »
« Et je me disais : Que n’ai-je les ailes de la colombe pour m’envoler vers un autre séjour ? » (Benn, Psaume 55)

Dans la nuit pascale, nous célébrons l’anniversaire de notre baptême, véritable plongeon dans la mort et la résurrection du Seigneur.

Malheureusement cette année il n’y aura pas de baptêmes à Pâques à cause de la pandémie. Mais nous nous réjouissons de notre baptême qui a fait de nous des enfants de lumière. Nous prions aussi pour les catéchumènes et pour tous les chercheurs de Dieu que la grâce de Jésus ressuscité touche au cœur, les remplissant de lumière et d’amour. Dans le confinement, l’Esprit Saint qui a relevé Jésus d’entre les morts n’est pas confiné.

Dans son prologue, saint Jean évangéliste nous révèle que le Verbe venant dans le monde éclaire tout homme (cf. Jn 1,9). La lumière du Christ ressuscité est répandue dans le cœur de tous les hommes d’une manière mystérieuse que seul Dieu connaît mais dont nous voyons les traces dans les témoignages de solidarité, de réconciliation, de pardon, de prière et d’amour.

La nuit de Pâques était la grande fête de la foi de l’Église. C’est pourquoi nous pouvons choisir comme prière pour ce temps pascal le Credo. Saint Augustin prêchait aux catéchumènes et à son peuple d’Hippone, en Afrique du Nord : «  Récitez le Credo chaque jour, matin et soir. Récitez-le à vous-mêmes ou plutôt récitez-le à Dieu. Gravez-le bien dans votre mémoire, répétez-le sans cesse, pour ne plus jamais l’oublier.
Ne dites pas : «  Je l’ai récité hier encore, aujourd’hui, tous les jours. Je le sais sur le bout des doigts.  » Ne vous habillez-vous pas tous les jours ? Quand vous redites le Credo, vous habillez votre cœur.  »

Habillons notre cœur de la lumière du Christ ressuscité !

Fr. Manuel Rivero o.p.

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