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Jean-Marie Vincent nous a quittés
Article mis en ligne le 19 février 2020

par Françoise Adam de Villiers

Des proches de Jean-Marie Vincent nous ont fait part hier du décès de celui-ci. Un dernier adieu devrait lui être fait demain jeudi, à 9 heures, au Centre funéraire du Sud à Saint-Pierre (102 chemin de la Salette, près de la Ligne Paradis), lit-on sur différentes pages Facebook. L’inhumation aura lieu en métropole.

Originaire de la Meuse, Jean-Marie Vincent était un passionné de musique. Homme de foi, il a composé de très nombreuses musiques de chants liturgiques, fréquemment entonnées dans les paroisses, et créé un Rassemblement de chorales avant de devenir, au début des années 80, membre de la Commission nationale de musique liturgique au CNPL puis, dans les années 90, président de l’Accrel (Auteurs et compositeurs de chants religieux).

Au début des années 2000, la Justice l’avait condamné à cinq ans de prison pour agressions sexuelles sur mineurs. À sa sortie de détention, l’évêque de La Réunion avait accepté de l’accueillir, en accord avec le magistrat chargé de son contrôle judiciaire, pour l’aider à se ré-insérer. Il avait alors été aumônier du CHD de Bellepierre et curé de la paroisse Notre-Dame de la Source.

En 2015, Mgr Gilbert Aubry lui avait communiqué la décision de Rome concernant ces événements passés : Jean-Marie Vincent était « relevé de toutes les obligations liées à l’ordination sacrée en même temps que des vœux de célibat » et perdait « par ce fait même, les droits propres au statut clérical ». Mgr Aubry avait conclu de leur difficile entretien : « Il vivra sa vie de laïc en bon chrétien, fils de l’Église ». Et c’est en effet ce que Jean-Marie Vincent a fait, en dépit de la maladie qui le minait. Lui qui avait été confronté au mal absolu, a donné le meilleur de lui-même, continuant à animer des sessions de liturgie, de formation d’instrumentistes et de choristes, continuant de composer et d’enregistrer des CD de chants religieux.

La nouvelle de son décès, si elle n’a pas surpris ses proches qui le voyaient bien diminué ces dernières semaines, a bouleversé tous ses amis. Sitôt informés, les membres de l’Aumônerie du CHD de Bellepierre ont organisé cet après-midi, avant la messe habituelle à la chapelle de l’hôpital, un temps de prière à l’intention de Jean-Marie Vincent.

Mais beaucoup de ceux qui le connaissaient attendaient une annonce de l’Évêché, qui jusqu’ici n’est pas venue. De fait, une telle annonce n’aurait-elle pas été déplacée, compte tenu du statut de laïc de Jean-Marie Vincent ? N’était-ce pas plutôt à sa famille, à ses amis, de s’en charger ? La situation inhabituelle d’un homme qui avait été prêtre pendant plus de cinquante ans, puis était redevenu laïc, est peut-être en partie à l’origine de ce « flou ». De sources proches de l’Évêché, il semble cependant qu’une certaine discrétion ait été souhaitée et que la cérémonie funéraire se déroule en présence de quelques intimes seulement.

Les nombreux amis laïcs de Jean-Marie Vincent ne sont pas forcément d’accord avec cette manière de faire. Pour eux, cette « stricte intimité » si rarement demandée dans l’île, a pour conséquence de priver les Réunionnais qui l’aimaient de leur droit légitime à lui adresser un dernier adieu. « Il semble que toutes celles et ceux qu’il a tant aimés et qui le lui ont bien rendu son exclus du deuil », regrette l’un d’eux. Un autre, le chanteur et journaliste Laurent Grzybowski, qui lui rend sur sa page Facebook un bel hommage (lire ci-dessous), s’interroge : « Certains aujourd’hui, en métropole comme à La Réunion, voudraient que tu t’en ailles sans bruit, sans rassembler personne, « dans la plus stricte intimité ». En catimini. Pour quelles raisons, je ne le sais pas. Par peur du scandale peut-être ou par crainte de ternir l’image de l’Église ou leur propre réputation… »

Quoi qu’il en soit, ce mercredi après-midi, des amis de Jean-Marie Vincent ont fini par partager sur leurs pages Facebook cette information : un dernier adieu devrait lui être fait demain jeudi, à 9 heures, au Centre funéraire du Sud à Saint-Pierre (102 chemin de la Salette, près de la Ligne Paradis). L’inhumation aura lieu en métropole, en Lorraine où, semble-t-il, d’autres amis attendent son corps pour un dernier hommage. À La Réunion, les paroissiens de Notre-Dame de la Source (paroisse dont il a été le curé pendant plusieurs années) pourront prier pour lui le vendredi 21 février à la messe de 17h30. Et il ne fait aucun doute que des messes à son intention seront demandées dans d’autres lieux par celles et ceux qui l’aimaient.

(Photos : Laurent Grzybowski)

À Dieu, Jean-Marie

Mon ami, mon frère Jean-Marie, Tu es parti ce matin vers le Père. Il était 5h00 à La Réunion, mais Paris dormait encore... Et moi aussi, je dormais ! Je savais que tu étais malade et que depuis quelques mois déjà tu te battais courageusement contre cette saloperie de cancer. Grâce à ceux et celles qui t’ont accompagné jusqu’au grand passage, et qui sont venus te rendre visite ces dernières heures à la clinique Sainte-Clotilde, je sais que tu es parti en paix. Et j’en rends grâce à Dieu ! Mais j’aurais tellement voulu être là, près de toi, pour t’accompagner dans ces derniers instants. Pour te dire mon amitié profonde et mon affection. Pour te dire ma reconnaissance aussi pour l’homme et pour le prêtre exceptionnel que tu as été : témoin de l’Évangile, témoin de la tendresse infinie de Dieu !

Tu étais, tu as toujours été, un homme jeune ! Il n’y a qu’à voir les photos de cet album. Elles valent tous les discours. Jeune de cœur, jeune d’esprit, jeune de la jeunesse même de Dieu. Les paroissiens de Notre-Dame de la Source (à Saint-Denis) où tu fus curé pendant une dizaine d’années, n’oublieront jamais le prêtre extraordinaire que tu as été. Ni la joie qui rayonnait sur ton visage.

Nous nous connaissions depuis plus de trente ans. Au long de ces années, tu m’as non seulement honoré de ta confiance et de ton amitié, mais tu as été pour moi comme un frère, comme un véritable ami. Comme un exemple aussi. Quand j’aurai ton âge, je continuerai à penser à toi en espérant avoir le même dynamisme et les mêmes ressources.

Jean-Marie, c’est toi qui m’as fait connaître La Réunion, cette île aux mille couleurs que j’aime tant ! Non pas d’abord à cause de ses paysages — aussi sublimes soient-ils —, mais à cause de la beauté et de la diversité de celles et ceux qui y vivent. Avec toi, j’ai compris que La Réunion n’était pas qu’un territoire lointain, encore moins une entité administrative (un département d’outre-mer), mais qu’elle était un message : à travers nos différences, le Seigneur nous invite à l’unité et à la fraternité. La Réunion est un témoignage, un appel à vivre ensemble non pas malgré nos différences, mais grâce à nos différences. Avec cette vocation qui est la nôtre, inscrite au cœur de l’Evangile : réconcilier la famille humaine. Prophétique !

C’est toi qui, le premier, m’a permis de venir chanter dans les paroisses de l’île. C’était il y a quinze ans déjà. Grâce à toi, j’ai pu vivre des rencontres incroyables et partager avec les gens d’ici des moments d’exception. Nous avions en commun cette passion de la musique et de la liturgie. D’ailleurs, j’en suis certain, à l’heure qu’il est, là où tu es, tu dois déjà être en train de rassembler les anges musiciens et de créer un chœur pour chanter à 4 voix (au moins) « Pou la gloir nout bon Dié ». Tu m’as souvent aidé dans mes compositions et conseillé pour mes interventions dans les écoles ou mes enseignements dans les paroisses. Tu m’as initié, pourrais-je dire, à la culture créole. Du moins pour ce que tu en connaissais. Pour tout cela je ne peux que te dire MERCI !

Certains aujourd’hui, en métropole comme à La Réunion, voudraient que tu t’en ailles sans un bruit, sans rassembler personne, « dans la plus stricte intimité ». Pour quelles raisons, je ne le sais pas. Peut-être pour ne pas créer de scandale... Ceux-là t’ont souvent regardé de travers et jugé sur des « on dit », sur des « ladilafé ». Pauvres sont-ils ! Ils ne connaissent pas ta grandeur d’âme, ils ne savent pas comment tu as affronté avec courage la double injustice dont tu as été victime : celle de la prison tout d’abord, car tu étais innocent du crime que l’on t’a imputé, puis celle de ta récente reconduction à l’état laïc. Deux peines que tu ne méritais pas, mais que tu as accepté et porté, comme on porte une croix, avec confiance et humilité.

Pour tout cela, je te redis ma gratitude et mon admiration. Et je m’adresse au Seigneur en lui demandant que justice soit faite et que tous les Réunionnais et toutes les Réunionnaises qui t’ont connu et qui t’ont aimé trouvent le moyen de se manifester pour t’exprimer une dernière fois leur gratitude et leur amitié. À Dieu, Jean-Marie ! Merci d’intercéder pour nous auprès du Père. Nous aussi, nous allons prier pour toi.

Laurent Grzybowski

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