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Le feu, les pompiers... et nous ?
Article mis en ligne le 2 novembre 2011

par Geneviève Barbeau

Mgr Aubry réagit à l’incendie qui ravage les hauts de l’île.

Révoltés ! Devant l’incendie qui dévore la forêt et les hauts de l’Ouest, nous avons mal à notre île et à nous-mêmes. Pensons au drame des familles d’éleveurs de la Chaloupe Saint-Leu, à l’engagement des hommes et des femmes qui vont jusqu’au bout d’eux-mêmes pour lutter contre le feu au péril de leur vie. Pensons à tous les services mobilisés dans une coordination de combat sur tous les fronts. Au-delà des différences d’approches sur les techniques et les moyens à employer, il est indécent et injuste d’attaquer le Préfet ou les élus, les responsables des services ou de la logistique dans une situation où tous finalement n’ont qu’une seule préoccupation : arrêter le massacre ! Saluons plutôt l’effort déployé et l’adaptation face à des conditions changeantes et aux difficultés d’un terrain accidenté en altitude. Marqués par la fatigue, les pompiers et les responsables diront « Nous n’avons fait que notre devoir ». Nous serions ingrats de ne pas les soutenir et de ne pas leur exprimer notre reconnaissance.

D’ailleurs, beaucoup de Réunionnais auraient voulu leur apporter leur aide. Mais quoi faire ? On ne s’improvise pas pompier. Comment anticiper, éviter les catastrophes, les gérer quand elles sont là, avec une mobilisation citoyenne autour des services compétents et les administrations concernées ? La question est facile à poser et difficile à résoudre. Avec cet incendie, nous prenons davantage conscience que nous sommes sur une île d’autant plus fragile que la population augmente sur une surface restreinte et que pour construire son habitat, elle part à l’assaut des montagnes. Notre Parc National nouvelle génération a ouvert le chemin à une inscription de nos « Pitons, cirques et remparts » au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. A partir du travail réalisé ici, c’est un regard extérieur d’experts qui donne à notre île ce label de trésor de l’humanité.

Reconnaissons que nous en avons l’intuition. Mais notre regard intérieur n’a pas encore pris conscience des comportements à modifier pour protéger, rationaliser, embellir nos cadres de vie dans la géographie et l’environnement naturel de La Réunion. Hélas, on pourra difficilement éviter qu’un pervers n’allume un incendie, détruise la nature, dégrade l’image touristique de l’île, perturbe toute une société qui devra supporter les dépenses énormes imprévues. Mais personne n’aura l’idée de mettre le feu au Jardin de l’Etat à Saint-Denis. Pourquoi ? Parce que c’est un lieu que la population s’est approprié comme un forum de vie avec l’aide des agents qui veillent en permanence à la préservation de l’espace et à la sécurité des personnes en même temps.

Traditionnellement, nous pensons l’île comme un jardin sur la mer. Image mythique de l’île Eden. Cela relevait du jeu spontané de la nature… progressivement massacrée. Aujourd’hui, ce n’est plus seulement un phénomène de nature mais un phénomène de culture à développer pour que l’île soit vraiment un jardin sur la mer. La nature, l’environnement avec ses montagnes, ses forêts, ses paysages, la mer conditionnent notre existence humaine. Mais la nature, pour se garantir contre elle-même, a besoin du concours des humains et d’une appropriation en symbiose avec elle. Autrement, nous basculons dans l’idolâtrie de la nature pour elle-même ou de l’homme pour lui-même. Nous sommes en interdépendance. Et l’esprit nous ouvre à la fois à la transcendance et à l’altérité. Nous nous sentons bien petits devant les événements qui nous dépassent. Qui peut maîtriser le vent sur le feu ? Nous sommes ramenés à l’humilité mais aussi à la responsabilité en ce qui dépend de nous.

Transposons. Dans le domaine social, il y a des signes inquiétants qui ne sont pas dus qu’au chômage. L’autre jour, à Moufia, un groupe de jeunes adolescents ont saccagé et dévalisé un supermarché. Il y a de la violence dans l’air et une certaine culture de la violence qui a tendance à se généraliser. Cela ne correspond ni à la nature profonde du cœur humain ni à notre savoir vivre ensemble avec notre culture métisse, une et plurielle à la fois. Le regard intérieur doit se ressourcer à une conscience morale renouvelée. Il s’agit alors d’engendrer des comportements qui feront droit à la dignité humaine, avec des moyens de vivre qui feront reculer le mal-être. « C’est également avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde ni les abandonner à eux-mêmes ni leur enlever leur chance d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas prévu et les préparer d’avance à la tâche de renouveler un monde commun. » (Hannah Arendt) « Du pain, des sous, des jeux » ? Des catastrophes nous ramènent toujours aux questions essentielles, aux raisons de vivre. Des temps d’épreuve peuvent être aussi des temps de renaissance.

Le 31 octobre 2011

Monseigneur Gilbert AUBRY

Ci-dessous, texte en version pdf


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