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« Le Corps du Christ a le coronavirus »
Article mis en ligne le 9 avril 2020

par Fr. Manuel Rivero o.p.,. Aumônier de la prison de Domenjod

Titre un brin provocateur pour cette chronique de Fr Manuel Rivero, qui explique et développe le sens de la célébration de la Cène, en ce Jeudi saint 2020.

 
C’est la Pâque juive ! Des milliers de pèlerins sont montés à Jérusalem. Le peuple opprimé par le pouvoir romain attend le Messie libérateur. Les soldats de la légion romaine se montrent nerveux et craintifs. Pilate ne dort pas bien dans la crainte de la révolte. Des zélotes, résistants juifs, poignardent des soldats romains dans les ruelles de Jérusalem. L’empire romain les punit par la crucifixion publique qui terrorise la population. On pense que le Messie viendra pendant la fête de la Pâque.

C’est la fête de Pâques ! Jésus a réuni ses disciples pour faire mémoire de la sortie d’Égypte, terre d’esclavage, vers la Terre promise. Juif observant de la Loi, Jésus accomplit les rites de la Pâque tout en leur donnant une nouvelle signification : l’annonce de sa mort pour la rémission des péchés. Acte suprême d’amour qui unira l’humanité frappée par le mal et le malin à la sainteté de Dieu.

Le partage du pain et de la coupe annoncent la communion avec Dieu et la nouvelle fraternité entre les hommes.

Saint Jean, l’évangéliste, ne nous a pas transmis le récit de l’institution de l’Eucharistie comme les autres évangélistes ou saint Paul. En revanche, il nous a introduit au sens de la Cène en nous montrant Jésus, le serviteur, qui lave les pieds de ses disciples.

La Cène célébrée par Jésus manifeste son amour total envers Dieu le Père qui l’a envoyé et à l’égard des hommes qu’il purifie par son sang versé.

 Dieu n’est pas le même pour tous

Il y en a qui disent : « Dieu est le même pour toutes les religions ». C’est vrai s’il s’agit de la foi en Dieu créateur. Ce n’est pas exact si nous pensons au Dieu sauveur révélé par Jésus-Christ. Judas qui a abandonné et trahi Jésus en est la preuve. Pourtant, Judas aimait Jésus et Jésus l’aimait. Mais Judas a été déçu. Il s’attendait à un autre Messie, à un autre Dieu, que celui qui allait mourir dénoncé par les autorités juives et exécuté par le pouvoir romain. Après avoir livré Jésus aux responsables de son peuple, il s’est repenti en leur jetant les trente pièces d’argent à la figure et il s’est pendu. Le Dieu de Judas n’était pas le même que le Dieu de Jésus.

Encore aujourd’hui, la mentalité de Judas pénètre les esprits de l’homme contemporain, mieux disposé à croire en un Dieu tout-puissant et justicier, qu’en Jésus, doux et humble de cœur. Il n’y a pas que l’argent qui compte dans l’abandon de la pratique religieuse. Il y a aussi et surtout le manque de foi en l’humilité de Dieu.

Jésus, non violent, ne tue personne. Jésus, médecin des corps et des âmes, n’envoie des maladies à personne. Oui, Dieu ne fait pas descendre le coronavirus sur la terre. Encore une fois, Dieu n’est pas le même selon que l’on croit en son pouvoir de nuire ou en son amour jusqu’à la mort.

La célébration de la Cène annonce le mystère pascal accompli par Jésus sur le Calvaire et dans sa victoire sur la mort.

 Mystère de Communion

Jésus prend à rebrousse-poil notre individualisme. Il partage son Corps et son Sang aux apôtres rassemblés et non pas à un individu isolé.

La messe actualise ici et maintenant la mort et la résurrection de Jésus, mystère de Communion. Ce n’est pas sans raison que nous utilisons le même mot « communion » pour désigner l’union entre les personnes et l’Eucharistie. La messe nous accorde la Communion avec Dieu et la communion fraternelle.

Il en va de même de l’utilisation de l’expression « Corps du Christ » qui renvoie au Corps de Jésus-Christ et à l’Église, Corps du Christ.

En recevant à la messe le Corps du Christ nous recevons son Corps, son Sang, son âme et sa divinité, la sagesse du Père dans l’amour unifiant de l’Esprit Saint. Dans l’eucharistie, la Trinité entre en nous et nous entrons dans la Trinité. Nous devenons les temples de la sainte Trinité. L’Église fait l’Eucharistie et l’Eucharistie fait l’Église. Le Corps de Jésus fait des baptisés l’Église, Corps du Christ. C’est pourquoi saint Augustin prêchait : «  Devenez ce que vous recevez. Recevez le Corps du Christ et devenez le Corps du Christ ».

Saint Paul explique ce mystère de l’Église, Corps du Christ, où Jésus-Christ en est la Tête et les baptisés les membres. De la même manière que dans nos corps la tête reste inséparable des autres membres, le Christ et les fidèles ne font qu’un (cf. I Corinthiens 12,12s).

 « Le Corps du Christ a le coronavirus »

Aussi pouvons-nous dire : « Le Corps du Christ a le coronavirus ». Ce n’est pas une hérésie mais l’application du mystère de l’Église à notre situation actuelle. Les baptisés forment le Corps du Christ, l’Église. Les malades sont membres du Corps du Christ. Dans quelle religion Dieu s’est-il fait aussi proche des hommes ? (cf. Deutéronome 4,7).
 
Par le mystère de « son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (Concile Vatican II, Gaudium et Spes n°22). Par le baptême, les disciples de Jésus partagent la vie de la sainte Trinité. Dans la Communion eucharistique, le croyant communie à l’amour des Personnes trinitaire, le Père, le Fils et l’Esprit Saint. À l’image de l’amour qui circule au cœur de la Trinité où chaque personne vit pour l’autre, avec l’autre et dans l’autre, le chrétien qui communie s’engage dans une relation trinitaire de dialogue et d’amour.

 « Faites ceci en mémoire de moi »

Ce trésor de la Communion divine et humaine, Jésus l’a confié à ses apôtres, ses collaborateurs dans l’œuvre du Salut. Désormais, Jésus parlera à travers la prédication des apôtres et Il répandra son amour plus fort que la mort dans la célébration de la messe.

Mission sacrée confiée à des hommes fragiles et pécheurs. En ce Jeudi saint, les chrétiens célèbrent particulièrement leur sacerdoce. Les laïcs, le sacerdoce commun des fidèles, en offrant le Sacrifice de l’autel en communion avec toute l’Église. Les laïcs ne sont pas des spectateurs passifs à la messe mais des célébrants du mystère pascal. C’est pourquoi, le prêtre déclare avant l’offertoire : « Prions ensemble au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Église ». Dans l’Eucharistie, Jésus s’offre au Père ici et maintenant. Toute l’Église s’unit à Jésus pour devenir offrande à la gloire du Père.

Les évêques, successeurs des apôtres, et les prêtres, leurs collaborateurs, célèbrent leur sacerdoce ministériel, différent du sacerdoce commun des fidèles mais à son service. Dans la consécration du pain et du vin, le prêtre agit « in personna Christi capitis », c’est-à-dire en union avec la personne du Christ, Tête de l’Église. Dans l’Eucharistie, ce n’est pas le prêtre qui consacre mais le Christ lui-même. Les sacrements sont ainsi toujours saints indépendamment de la sainteté du ministre qui célèbre.

 Sacerdoce commun et sacerdoce ministériel

Bonne fête à tous les baptisés et à tous les prêtres ! Soyons dans la joie et remercions le Seigneur Jésus qui nous a accordé une telle dignité. Les laïcs ont été consacrés dans le baptême. Les prêtres ont été consacré dans le sacrement de l’Ordre pour collaborer avec les évêques dans l’enseignement, la sanctification et le gouvernement. Nés de la Communion du Père, du Fils et de l’Esprit, tous les chrétiens ont reçu la mission de servir la Communion avec Dieu et avec les frères et les sœurs en humanité. La grandeur de chaque chrétien relève de son amour dans le service et non de la reconnaissance sociale des tâches accomplies. Tous, nous avons besoin les uns des autres.

L’évêque a besoin de ses prêtres et les prêtres ont besoin de leur évêque pour faire la volonté de Dieu et non leur volonté propre.

Un prêtre avait dit un jour : « L’évêque a besoin de moi mais je n’ai pas besoin de l’évêque ». Quel malheur ! Ce n’est rien comprendre au mystère de la Communion. Les ministères sont reçus au service de tous. On ne se donne pas un ministère, on le reçoit de Dieu à travers les responsables de l’Église.

Les enfants ont besoin des prêtres pour se réunir, apprendre à prier et à servir. Le prêtre a besoin des enfants qui lui révèlent Dieu. Les malades et les personnes détenues ont besoin du soutien des prêtres et les prêtres ont besoin de la prière et du témoignage des malades et des personnes détenues. Et la perfection se trouve dans l’amour. Ensemble, tous les chrétiens forment le Corps du Christ. La célébration de la messe, le plus grand des miracles, réalise par l’Esprit Saint cette merveille : « Quand nous serons nourris de son corps et de son sang et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (Canon eucharistique III).

 « Le peuple porte ses prêtres »

En ce Jeudi saint, demandons au Seigneur des vocations de prêtre. Soutenons et vénérons les prêtres ! La première fois que je suis venu prêcher à la Réunion en 1992, une personne m’avait surpris en me disant : « À La Réunion, le peuple porte ses prêtres plus que les prêtres ne portent leur peuple ». A priori j’aurais pensé le contraire, mais, au fond, cette attitude montre l’amour des Réunionnais envers les prêtres et cette synergie est belle !

En ce Jeudi saint, ayons aussi une pensée pour les mamans des prêtres. La maman du père Lagrange, dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, avait consolé une maman qui assistait à l’ordination presbytérale de son fils en pensant qu’elle le perdait : « Madame, ne soyez pas triste ! Une maman trouve sa plénitude de mère quand son fils devient prêtre ! ».

 « Les âmes vont aux prêtres »

Le père Lagrange affirmait aussi par expérience : « Les âmes vont aux prêtres ! » Oui, les âmes vont aux prêtres qui leur transmettent la grâce de la Parole de Dieu et des sacrements.

Dieu a voulu avoir besoin des prêtres.

Célébrons le Pain vivant descendu du Ciel, dans la louange et l’adoration. Demandons à Dieu de nous délivrer de la pandémie et de soutenir le corps médical et tous ceux qui travaillent au service du bien commun en cette épreuve.

« À Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien-au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir, à Lui la gloire dans l’Église et le Christ Jésus, pour tous les âges et tous les siècles ! Amen. » (Éphésiens 3,20).

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