La République en danger ?!
Article mis en ligne le 12 mai 2010

par Père Stéphane Nicaise

La résolution présentée à l’Assemblée nationale pour préparer le terrain à une loi contre le port du voile intégral est sujet à caution. Son « exposé des motifs » aurait pu s’intituler : « Aux armes citoyens, la Patrie est en danger ! ». Oui, la République est en danger, mais pas là où les auteurs de la résolution veulent retenir notre attention. L’argumentation repose en effet sur une accusation de « ceux » - anonymes – qui « testent la République en bafouant les règles élémentaires de notre ordre public et social ». L’évidence veut s’imposer comme vérité. Mais laquelle ? Difficile de trouver une réponse dans le texte qui est construit d’allusions suffisamment suggestives pour donner le change. On y parle de « pratiques radicales », en ajoutant, « dont la forme la plus visible est l’apparition de femmes circulant, dans l’espace public entièrement voilées ». Quelles sont les autres formes moins visibles ? Seule précision, ces pratiques « relèvent d’un communautarisme radical ».

Tout ce déferlement d’alarmes pour, nous dit le texte, « 1 900 femmes – selon les chiffres communiqués par le ministère de l’Intérieur ». Et pour « endiguer », est-il encore écrit, « la montée en puissance du phénomène », c’est à un sursaut de la nation entière qu’il est fait appel. Imaginons alors ces bataillons, bien réels – eux –, de chômeurs, de mal-logés, de nouveaux pauvres, y compris parmi les salariés, et bien d’autres issus des catégories sociales en panne d’insertion dans une société qui n’a pas besoin d’eux. Croyez-vous qu’ils verseront leur sang pour une République qui ne peut que s’enorgueillir d’être la « patrie des Droits de l’Homme » et d’avoir conscience que cette situation historique lui fait porter « une responsabilité particulière », mais qui actuellement n’est pas en mesure de réaliser pour l’ensemble de ses citoyens « l’égale dignité de tous et la lutte contre toute forme de discrimination ou d’asservissement, notamment en raison du sexe » ?

Aussi, crier haro sur quelques centaines de femmes soupçonnées de cacher un complot fomenté par une puissance étrangère contre les fondements de la République, cela ressemble plutôt à une manœuvre de diversion pour voiler un vrai malaise, celui qui résulte de l’incapacité actuelle dans laquelle notre pays se trouve d’honorer pleinement les devises et les valeurs républicaines. Mais à trop jouer avec de telles procédures dilatoires, le risque est réel d’ouvrir davantage les fissures de notre tissu social, mettant alors véritablement en danger l’ordre public en donnant le champ libre à l’expression d’extrémismes politiques et de fondamentalismes religieux, se nourrissant l’un de l’autre.

De plus, si la loi est votée sur la base des attendus présentés, l’instrumentalisation qui est faite de quelques centaines de femmes est la négation même de leur dignité. Loin de leur « tendre la main » comme le texte en fait le vœu, elles se sentiront bafouées car elles auront toutes été assimilées au nombre de celles qui, de fait, « subissent des violences ou des pressions, et notamment sont contraintes de porter un voile intégral ». Ne serait-il pas plus judicieux alors d’enquêter plus précisément sur ce phénomène de coercition, de le mesurer, et de faire confiance à la communauté des français musulmans sur sa capacité à le réguler de l’intérieur. Tout le monde en sortirait grandi.


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