L’homélie de Noël de Mgr Gilbert Aubry
Article mis en ligne le 24 décembre 2010
dernière modification le 27 décembre 2010

par Mgr Gilbert Aubry

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« Gloire à Dieu… et Paix aux Hommes ! »

Renaître à la vie et à l’amour

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Avec cette messe de la nuit de Noël, nous sommes au plein cœur d’un mystère : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et Paix sur la terre aux hommes qu’Il aime » (Luc 2,16). Un instant, faisons taire les pétards et les flonflons de la fête. Rentrons dans notre intériorité profonde pour trouver la clef des relations humaines transfigurées par la puissance de l’amour du Christ, pour la Gloire de Dieu et le bonheur des hommes. La fête de Noël n’est pas un récit naïf pour les enfants ou pour les grandes personnes qui ont la nostalgie de leur enfance. La fête de Noël célèbre la naissance de Jésus. Cette naissance ouvre tout un cheminement qui aboutira à la passion, à la mort, à la résurrection de l’Homme-Dieu, à son ascension et à la Pentecôte avec le don de l’Esprit pour la mission de l’Église au cœur de l’Humanité. Jésus est le frère universel dont le cheminement s’inscrit au cœur de l’Histoire pour que le cheminement de chacun de nous soit porté par l’espérance offerte par sa résurrection. Et que viennent les jours des cieux nouveaux et de la terre nouvelle avec le retour glorieux du Christ, après les douleurs de l’enfantement d’un monde qui n’a pas fini de gémir sur ses contradictions et ses souffrances. Telle est la foi de l’Eglise. Telle est notre foi aujourd’hui. Tel est l’horizon de notre espérance. La fête de Noël, la fête de la naissance miraculeuse de Jésus est le commencement de la Résurrection pour chacun de nous et pour toute l’Humanité… à condition d’accueillir Jésus, le Christ en nous.

Méditons l’Évangile de Luc qui nous raconte la naissance de Jésus. L’évangéliste prend soin de positionner cette naissance dans l’Histoire, dans l’espace et dans le temps « après (s’)être informé soigneusement de tout depuis les origines des événements » (1,3) afin de rendre compte de la solidité des enseignements qu’il va donner. C’est du temps de l’Empereur Auguste avec Quirinius Gouverneur de Syrie. Rome croit dominer le monde et veut « recenser toute la terre », avoir tous les êtres humains sous son pouvoir et les arracher à Dieu. En effet, l’Empereur, « César », se fait Dieu et on doit lui rendre un culte. Joseph se soumet à la loi de recensement puisqu’il va se faire inscrire, avec Marie, à l’État-civil de Bethléem. Mais ils savent en même temps que Joseph qui va inscrire l’enfant dans une lignée familiale est de la lignée de David. C’est de cette lignée que doit naître le Messie. Joseph et Marie ont eu leurs annonciations respectives. Ils savent donc dans leur vie donnée l’un à l’autre que l’enfant qui vient du Très-Haut portera le nom qui lui a été donné par Dieu, c’est-à-dire Jésus, c’est-à-dire Sauveur. Ils savent qu’il sera appelé « Fils du Très-Haut »... Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père » (Lc 1,32). Quel secret lourd à porter, lourd d’incompréhension et de moquerie de la part des autres et d’espérance pour eux ! Joseph et Marie vont à l’État-Civil de « la ville de David appelée Bethléem ». Mais, avant tout, ils sont conscients que leur paternité et leur maternité viennent de Dieu, que cet enfant vient de Dieu. Il est Dieu fait Homme.

Par conséquent, l’enfant Jésus qui est confié à leur amour d’époux ne peut pas être sous l’emprise de la volonté de l’Empereur. Cet enfant - Fils du Très-Haut ne fera que la volonté du Très-Haut. C’est lui, enfant de Bethléem, qui sera la nourriture de tout croyant qui marche à sa suite pour dire à Dieu « Notre Père… que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Bethléem veut dire « la maison du pain ». Mais il faudra que le grain de blé tombé en terre meure. Il faudra que Jésus meure pour devenir « le pain de la vie éternelle » et qu’il puisse porter du fruit dans les pauvres disciples que nous sommes, nous les chrétiens. La mission de Jésus commence déjà dans le sein de sa mère Marie. Cette mission n’est pas d’ordre politique comme l’a cru Hérode qui a voulu se débarrasser du « roi des juifs » en faisant massacrer tous les petits enfants du même âge que Jésus. Cette mission est bien de donner un nouveau sens à l’existence humaine pour que réussisse le projet d’amour de Dieu sur l’Humanité. Oui, il faudra passer par la croix, mais la Résurrection était déjà dans le sein de Marie. Voilà pourquoi, à la lumière de sa Résurrection, la naissance de Jésus est si importante pour nous et pour l’Humanité. La naissance de Jésus c’est le commencement de la résurrection.

Avec la naissance de Jésus, il y a quelque 2000 ans, Dieu se met à la portée des hommes dans la chair humaine. Il a voulu avoir besoin d’une famille humaine, avec Marie et Joseph, pour venir en aide à toutes nos familles quelles que soient leurs situations, pour nous soutenir afin de faire réussir la vie, la vie de tout enfant en l’élevant de la terre jusqu’au ciel. Tout enfant sans exception mérite d’être élevé avec amour. Il a besoin pour grandir, de se positionner entre un homme et une femme, dans un cercle élargi de relations. Toute famille qui respecte la vie et cherche à la faire réussir à travers ses enfants doit être encouragée. Et nous, chrétiens, nous savons que la sainte famille de Jésus – Marie – Joseph est le modèle de la famille où la paternité et la maternité viennent de Dieu, où les enfants n’appartiennent pas à leurs parents. Ils sont appelés à trouver leur vocation d’homme et de femme avec les talents qui leur sont confiés. Dieu s’abaisse jusqu’à nous pour nous élever jusqu’à Lui… dans nos relations quotidiennes. La fête religieuse de Noël nous invite à renaître à la vie et à l’amour dans nos familles respectives pour que l’ensemble de la famille humaine se perfectionne en humanité grâce au Christ Jésus qui nous porte au cœur de Dieu.

Les bergers de Noël ont eu leur vie transfigurée par leur rencontre avec cette sainte famille de Jésus – Marie – Joseph. Dans la nuit de leur dur labeur, rejetés comme des parias par l’ensemble de la société, ils sont réveillés par la clarté de Dieu et la voix de l’ange qui leur demande d’aller à Bethléem, la cité de David. Là ils trouveront leur sauveur, le Christ Jésus. Ce sera « un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche ». Dans le calvaire de leur vie, ils se sont mis en route. Ils ont rencontré ce couple et cet enfant démunis, encore plus pauvres qu’eux, sur la paille, sans argent. Ils ont été émus, remués. Il y avait tellement d’amour entre cet homme, cette femme et leur petit. Il y avait tellement de lumière entre eux et avec eux les bergers qu’ils sont devenus ensemble des êtres de lumière. Leur vie de bergers en a été changée. « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et Paix sur la terre aux hommes qu’Il aime » . Il s’est passé quelque chose de réel avec la lumière, avec la voix venue du ciel, avec le signe de l’enfant, avec le rayonnement de l’amour. Ils n’ont pas rêvé. C’était vrai. C’était la réalité de leur vie. Leur foi était assurée, leur générosité sans faille, leur humilité service pour Dieu dans cette pauvre famille, leur désir… aller jusqu’au bout dans un zèle courageux, leur amour ouvert sur les autres. Le monde commençait à exister d’une autre manière à travers eux, à partir du couple et de l’enfant. Et nous, n’avons-nous pas à être comme les bergers de Noël ?

Notre foi et notre vie de chrétien ne sont pas basées sur du folklore ou des légendes. Elle nous vient d’un « avènement » qui s’inscrit dans l’Histoire pour contribuer à écrire l’Histoire qui connaîtra un jour le second « avènement » du Christ. Nous avançons à la mesure de nos pas et de nos possibilités. En effet nous sommes disciples de Jésus, le Christ, qui change le cours de l’Histoire : il nous fait entrer dans des relations nouvelles avec Dieu Notre Père et des relations renouvelées avec notre prochain. Le monde n’est pas destiné à être un chaos, une tour de Babel où l’intelligence technique et les intérêts contraires des puissances de toutes sortes prétendraient se passer de Dieu, se substituer à Dieu et éliminer ceux qui n’ont pas de moyens, ceux qui sont les plus faibles et ceux qui sont déjà exclus de la société. Il nous faut un retour à Dieu qui prend visage humain avec Jésus-Christ. Il nous faut simultanément un retour à la raison en même temps, avec le Verbe fait chair qui donne chair à la vie. Il nous faut nous mettre au service les uns des autres « pour vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux, et pour attendre le bonheur que nous espérons » (saint Paul). Et saint Irénée nous dit : « La gloire de l’homme c’est Dieu ; mais le propre de l’homme c’est de recevoir l’œuvre de Dieu, toute sa sagesse et sa force ».

Nous chrétiens, nous respectons tout être humain quel qu’il soit, quelle que soit sa croyance ou sa non croyance. Mais gardons-nous bien d’oublier notre devoir d’adoration de Dieu et de service de notre prochain dans la trame même de nos activités ecclésiales, sociales, économiques, dans la trame de l’organisation de notre société réunionnaise, de notre pays et du monde. Si nous nous croyons tout-puissants sans respecter la vie, notre prochain et notre environnement, nous risquons de nous substituer à Dieu et d’aller à la catastrophe. Prenons mieux conscience que nous sommes tous interdépendants les uns des autres et fragiles, sur une île fragile, sur une planète fragile que nous avons à préserver, avec des éléments que nous ne maîtrisons pas. Qui peut maîtriser le vent et le feu ? Qui peut maîtriser l’irruption du magma et les flots de la mer ? Qui peut maîtriser le froid et la neige ? Qui peut maîtriser la chaleur et les cyclones ? Nous sommes fragiles et dans la main de Dieu.

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et Paix sur la terre aux hommes qu’Il aime ». C’est avec ces paroles de l’ange aux bergers que je vous souhaite, à chacun, à chaque famille, à tous, un Noël de lumière et de paix. Que tu puisses te garder toi-même en paix et alors tu pourras pacifier les autres. Que tu puisses être bon et vrai, alors tu changeras tout en bien (cf. Imitation de Jésus-Christ). Avec la lumière et la force de l’Esprit-Saint tout au long des jours et des nuits. Joyeux Noël 2010 à toi, à vous tous. Joyeux Noël et Sainte Année 2011.


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