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Répondre à l’invitation avec « Fratelli tutti »

Dimanche 11 octobre, la messe télévisée du « Jour du Seigneur » devait être transmise en direct de La Réunion. Malheureusement, ce rendez-vous a dû être annulé en raison du contexte sanitaire. Monseigneur Gilbert Aubry a toutefois célébré à 9 heures en l’église Saint Camille de Lellis (La Bretagne), comme prévu. Vous trouverez ci-dessous son mot d’accueil, ainsi que son homélie dans laquelle il fait le lien entre la liturgie, l’actualité et la dernière lettre encyclique du pape François « Fratelli Tutti ».

Article mis en ligne le 16 octobre 2020

par Mgr Gilbert Aubry

 Mot d’accueil et préparation pénitentielle

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,


Chers frères et sœurs en humanité,


Bonjour à vous tous en cette église Saint Camille de Lellis et à chacun de vous qui priez avec nous grâce à Radio Arc-en-ciel et Facebook. Paix dans ton cœur de bien-portant ou de malade. Paix dans les familles, paix dans le travail et les loisirs, paix dans les hôpitaux et les prisons. N’ayons qu’un seul cœur et une seule âme. Aussi, préparons-nous à la célébration de l’eucharistie en reconnaissant que nous sommes pécheurs.

 Homélie
(cf. Lc 22, 1 à 14)

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,

Chers frères et sœurs en humanité,

Dieu Notre Père, le Roi du Royaume d’amour, a un grand projet d’amour pour l’humanité. Mais au début, au commencement, au commencement avant le commencement, il n’y a pas d’humanité. Il n’y a que Dieu, rien d’autre que Lui, Lui Amour et Lumière incréés crée tous les univers par l’expansion de son amour. Mais que serait un amour qui n’aurait pas un autre amour qui lui réponde ? Dieu qui est hors du temps se soumet au temps dans le rythme d’évolution de sa création. Il dit et il fait. Il dit et c’est fait. Il prépare la terre comme un grand jardin d’harmonie et de paix pour une maison commune. Une maison commune pour qui ? Le Livre des origines, les deux grands poèmes de la Genèse nous donnent la réponse : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme... et vit que cela était très bon » (Gn 1,27).

Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? Nous les humains, les hommes et les femmes, nous sommes interdépendants les uns des autres. Dans le Bien comme dans le Mal. Aujourd’hui, il nous est facile de comprendre qu’un acte posé en 2020 aura des conséquences dramatiques en 2050 et bien après... surtout s’il s’agit de décisions qui concernent la vie elle-même, la transmission de la vie et l’avenir de la planète. Ainsi en est-il du péché des origines et de ses conséquences. Avec Adam et Ève, avec les premiers hommes et les premières femmes et jusqu’à nous... la conscience de l’humanité s’est déchirée. Elle est blessée. Nous pourrions la croire cassée mais nous portons en nous la nostalgie d’un paradis perdu. L’aspiration au bonheur est là.

Alors, est-ce que Dieu n’est plus Dieu ? Est-ce qu’Il a fait fausse route dans son grand projet d’amour pour l’humanité ? Non. C’est nous qui nous nous détournons du chemin qui peut nous reconduire nous-mêmes à nous-mêmes, à Dieu Lui-même, à nos frères et à nos sœurs de la grande famille humaine si riche de nos multiples diversités ethnoculturelles. Sans cesse, Dieu intervient dans l’Histoire de l’humanité par des alliances successives, afin de relancer encore, et encore, et toujours, son grand projet d’amour, pour un royaume d’amour, pour le royaume des cieux. Souvenez-vous, souvenons-nous : Noé, Abraham, Moïse, les patriarches, les prophètes... et Jésus.

Jésus, qui est-il ? Il est le Verbe fait chair de la chair de Marie par la puissance de l’Esprit-Saint. Aujourd’hui, Dieu le Père, le Roi du Royaume des cieux, fait tout exister par son Verbe fait chair et rien ne pourrait exister sans Lui. Jésus-Verbe de vie épouse donc la condition humaine. Jésus est amoureux de tous les hommes, de toutes les femmes, de tous les temps. Jésus aime jusqu’au bout de l’amour, jusqu’au bout de la croix, jusqu’à la gloire rayonnante de la résurrection. Et Jésus a voulu se donner à nous en nourriture avec le fruit de la terre et du travail des hommes. « Ceci est mon corps, ceci est mon sang. » Corps livré, sang versé dans la coupe de l’alliance nouvelle et éternelle. Jésus, l’agneau immolé, efface le péché du monde : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je serai guéri ». A chaque messe, nous sommes invités à participer au festin des noces de l’Agneau par le Roi, le Père qui se réjouit des épousailles de son Fils avec l’humanité. C’est Lui le Père qui nous invite au festin. Alors, comment répondons- nous concrètement à l’invitation de Dieu le Père qui nous invite à célébrer les noces de son Fils avec l’humanité dans chaque liturgie dominicale ? Ne cherchons pas des alibis... ou plutôt, dénichons-les pour les éliminer.

Pour une civilisation de l’amour et de la vie

« Ceci est mon corps, ceci est mon sang. » Dieu fait corps avec l’humanité qui est appelée à s’intégrer à son Royaume. Et nous, chrétiens, par Jésus, avec Lui et en Lui, nous sommes invités à relire les événements et à agir en conséquence pour donner sens à notre vie. Donner sens à notre vie personnelle, familiale, collective, culturelle, économique, politique. Pensons par exemple à ce que nous dit le pape François dans sa dernière encyclique Fratelli Tutti, « Tous frères », au sujet de la pandémie Covid-19 : « Nous nous sommes rappelés que personne ne se sauve tout seul, qu’il n’est possible de se sauver qu’ensemble. C’est pourquoi j’ai affirmé que « la tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités (...) A la faveur de la tempête, est tombé le maquillage des stéréotypes avec lequel nous cachions nos ego toujours préoccupés de leur image ; et reste manifeste encore une fois cette heureuse appartenance commune à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire : le fait d’être frères » (§ 32).

« Le fait d’être frères » dans une société donnée, c’est, nous dit le pape François, « Faire partie d’un peuple, c’est faire partie d’une identité commune faite de liens sociaux et culturels ». Et cela n’est pas quelque chose d’automatique, tout au contraire : c’est un processus lent, difficile... vers un projet commun » (§ 132). A La Réunion, comme en France, nous entrons dans une période de turbulences électorales. J’estime qu’il nous faut tous méditer les paroles de sagesse de notre pape : « En politique, il est aussi possible d’aimer avec tendresse. Qu’est-ce que la tendresse ? C’est l’amour qui se fait proche et se concrétise. C’est un mouvement qui part du cœur et arrive aux yeux, aux oreilles, aux mains. La tendresse est le chemin à suivre par les femmes et les hommes les plus forts et les plus courageux. Dans l’activité politique, les plus petits, les plus faibles, les plus pauvres doivent susciter notre tendresse. Ils ont le droit de prendre possession de notre âme, de notre cœur. Oui, ils sont nos frères et nous devons les traiter comme tels » (§ 192).

Cette réflexion du pape me fait penser aux plus petits, aux plus faibles, aux sans défense que sont les fœtus et les bébés dans les seins maternels. Au moment où les lois de bioéthique sont en révision et que, contrairement à une opinion publique matraquée, la loi n’est pas encore votée, nous devons tous prendre en considération les questions posées par le Conseil permanent de la Conférence des Évêques de France. Voici ces questions :

  • Une société peut-elle être fraternelle lorsqu’elle n’a rien de mieux à proposer aux mères en difficulté que l’élimination de l’enfant qu’elles portent ?
  • Une société peut-elle être fraternelle lorsqu’elle renonce à reconnaître le rôle de la mère et du père,
  • lorsqu’elle ne reconnaît plus que le lieu digne de l’engendrement d’un être humain est l’union corporelle d’un homme et d’une femme qui ont choisi d’unir leur vie pour créer un espace d’alliance et de paix au milieu de ce monde magnifique et dangereux ?

Je ne doute pas de votre réponse à vous, chrétiens, catholiques. Je ne doute pas de votre réponse à vous tous, citoyens de bons sens. Je ne doute pas de votre engagement à respecter et à faire respecter la vie humaine depuis le sein maternel jusqu’à la mort naturelle. Je compte aussi sur vous, vous nos sénateurs et nos députés de La Réunion et de la Nation, pour défendre cette cause qui transcende les partis politiques. Ne développons pas une culture de mort mais construisons les conditions d’une civilisation de l’amour et de la vie.

Le pape François nous invite à concevoir et à réaliser une « bonne politique ». Il nous dit : « La bonne politique unit l’amour, l’espérance, la confiance dans les réserves de bien qui se trouvent dans le cœur du peuple en dépit de tout. C’est pourquoi la vie politique authentique qui se fonde sur le droit et sur un dialogue loyal entre les personnes se renouvelle avec la conviction que chaque femme, chaque homme et chaque génération portent en eux une promesse qui peut libérer de nouvelles énergies relationnelles, intellectuelles et spirituelles » (§ 196).

Et le pape François nous a dit précédemment « J’invite à l’Espérance qui nous parle d’une réalité au plus profond de l’être humain, indépendamment des circonstances concrètes et des conditionnements historiques dans lesquels il vit. L’Espérance nous parle d’une soif, d’une aspiration, d’un désir de plénitude, de vie réussie, d’une volonté de toucher ce qui est grand, ce qui remplit le cœur et élève l’esprit vers les grandes choses, comme la vérité, la bonté et la beauté, la justice et l’amour. L’Espérance est audace, elle sait regarder au-delà du confort personnel, des petites sécurités et des compensations qui rétrécissent l’horizon, pour s’ouvrir à de grands idéaux qui rendent la vie plus belle et plus digne (...) » (§ 55).

Que Dieu nous donne la joie de l’Évangile. Qu’avec l’aide de Dieu, disparaissent les larmes de tous les visages pour que le désespoir cède la place à l’espérance, que l’enfermement cède la place à l’ouverture aux autres, que nos égoïsmes cèdent la place à la générosité et à la solidarité. Ainsi se réalisera pour nous ce que nous chantons avec le psaume 84 : « Amour et vérité se rencontrent. Justice et paix s’embrassent » tous les jours de notre vie, pour la durée de nos jours, pour les siècles des siècles. Amen.

Monseigneur Gilbert Aubry

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