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Homélie de la messe d’ouverture du procès en béatification de Mère Marie Magdeleine de la Croix
Article mis en ligne le 12 août 2021

par Centre diocésain d’information
  Sommaire  

Homélie messe à l’Esprit-Saint
pour l’ouverture du Procès en Béatification
de Mère Marie Magdeleine de la Croix
le 8 août 2021 à 14h30
au Couvent de la Providence
XVIe dimanche ordinaire

 Ouverture

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit
La paix soit avec vous R/

Chère sœur Marie-Claire, Supérieure Générale de la Congrégation des Filles de Marie
Chères religieuses Filles de Marie et religieuses des autres congrégations
Chers frères prêtres et diacres
Chers frères et sœurs en Jésus-Christ
Madame la présidente de la Région Réunion
Madame la ministre et maire de Saint-Denis
Monsieur le maire de Saint-Joseph
Mesdames et messieurs les représentants des collectivités
Chers frères et sœurs en humanité

Nous voici rassemblés pour invoquer spécialement l’Esprit-Saint qui conduit l’Église et oriente sa marche. Nous avons besoin de Lumière et de Force pour conduire et mener jusqu’au bout le procès en cause de béatification de Marie Françoise Aimée Pignolet de Fresnes, en religion Mère Marie Magdeleine de la Croix. Nous venons de chanter l’hymne à Mère Marie Magdeleine de la Croix dont le refrain nous dit :

Marie Magdeleine de la Croix
Ta vie est un brasier d’amour
Tu rayonnes comme un feu de joie
Ton cœur est à Dieu sans retour.

« Cœur à Dieu sans retour », cela devrait — et doit — être le programme de notre vie pour mieux louer Dieu et mieux servir nos frères. Ce n’est pas toujours le cas, parfois il y a des ratés, des faiblesses, des fautes et des péchés. Aussi, demandons au Seigneur de venir à notre secours et d’intercéder pour nous.

  • Kyrie

R/ Que Dieu Tout Puissant nous fasse miséricorde
Qu’Il nous pardonne nos péchés
et nous conduise à la vie éternelle.

  • Gloria

 Homélie

« Jésus tout seul »

Ce matin, s’est tenue à l’évêché la première session d’ouverture de l’enquête diocésaine pour la cause de béatification de Mère Marie Magdeleine de la Croix. Cette session a comporté quatre parties :

• la première partie : accueil et ouverture
• la deuxième : la prestation des serments
• la troisième : la remise des documents
• la quatrième : la conclusion et la clôture de cette première session

Il s’agit d’approcher la vie, un parcours vocationnel, la trajectoire ensuite d’une consécration religieuse et la fondation d’une congrégation religieuse féminine qui a émergé localement grâce au choix de Dieu et au discernement de l’Église sur l’évolution de Marie Françoise Aimée Pignolet de Fresnes. N’oublions pas qu’elle a été d’abord une laïque avant d’être une religieuse, qu’elle a été bébé, petite fille, adolescente, jeune femme dans une époque marquée par tant de bouleversements et d’évolutions positives au milieu du XIXe siècle, évolutions qui allaient aboutir à l’abolition de l’esclavage et à l’émergence d’une nouvelle société. Je ne vais pas maintenant vous faire l’histoire de la vie de Marie Françoise Aimée Pignolet de Fresnes, Mère Marie Magdeleine de la Croix. Je vous renvoie pour cela aux travaux du professeur émérite Prosper Ève de l’Université de La Réunion. A la lumière de la liturgie du jour, avec des textes de l’Écriture qui nous ont été donnés et non pas choisis par nous-mêmes, je vais focaliser notre attention sur certains moments clés, sur certains événements de sa vie qui nous aideront à mieux comprendre sa spiritualité et son action.

Tout d’abord, rappelons qu’elle est née le 2 juin 1810 et qu’elle est baptisée le jour même de sa naissance. En 1817, il y a une escale de Mgr Perrocheau, vicaire apostolique de Su-Tchuen occidental en Chine. La marraine d’Aimée, Aimée Notaise, va la faire confirmer par cet ecclésiastique de passage. L’enfant n’a que 7 ans, elle n’a pas fait encore sa première communion. Elle la fera plus tard le 18 mai 1823, après une préparation par le père Jean-Louis Minot, le nouveau curé de Saint-André. Elle a alors 13 ans. A cet âge, elle a donc reçu les trois sacrements de l’initiation chrétienne dans l’ordre logique et préférentiel de l’Eglise catholique : baptême, confirmation, eucharistie. Ce qui ne veut pas dire, à ce moment-là, qu’elle a fait le don total de sa vie au Christ.

La dette de reconnaissance

Le moment choc qui fera basculer sa vie sera la maladie de son père en juin 1840. Elle prie beaucoup pour son père. Au mois d’août, elle sait que la fin est proche pour lui. Il accepte qu’elle lui passe au cou une médaille de la Vierge. Il peut se confesser au père Nicole. Il recevra ce qu’on appelait alors l’extrême-onction, le sacrement des malades. Il est en paix. Son visage est rayonnant d’une joie intérieure. Au moment de l’agonie de son père, elle s’agenouille et écrira plus tard : « Dieu me fit alors comprendre que pour lui prouver ma reconnaissance, il fallait que je m’immolasse à son bon plaisir. Je n’eus qu’une seule et unique pensée, la dette de reconnaissance que j’avais contractée envers Dieu et que je devais lui payer scrupuleusement, mais surtout avec amour et dévouement. » Son père a le temps de faire des recommandations à ses enfants présents, Madame Trévet, Marie-Anne et Aimée : « Mes enfants, aimez bien les pauvres et les malheureux. À celui qui n’a pas de bois, donnez-en lui, à celui qui n’a pas de marmites, donnez, donnez-en lui, à celui qui n’a pas d’argent, donnez-en lui un peu. » À six heures, il demande de l’eau bénite pour bénir tous ses enfants et petits-enfants en leur faisant dire leur nom, les uns après les autres. A neuf heures du soir, il les regarde et rend l’âme.

Aimée écrira plus tard en repensant à tout cela : « En reconnaissance de la grâce que vous venez de m’accorder, en la conversion de mon père, je me consacre à votre service pour gagner des âmes. Mon Dieu, désormais mes mains s’occuperont à travailler pour vos églises pauvres et vos prêtres. Mes pieds courront après les âmes égarées pour les ramener auprès de vous. Ma bouche ne s’ouvrira plus que pour instruire les ignorants et leur apprendre à vous aimer. Enfin, mon être tout entier est à vous et mon cœur ne veut que vous toujours. »

Dans l’évangile de saint Jean que nous méditons aujourd’hui, Jésus nous dit : « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire. » (cf. Jn 6, 41-51), Aimée a porté une grande affection filiale à son père de la terre. Elle était attirée vers lui. Elle l’a honoré. Et cette affection à son père de la terre a été le chemin que le Père des Cieux a utilisé pour l’attirer vers Lui et qu’elle puisse aller vers le Christ qui lui a dit « Viens à moi ». Aimée qui deviendra Marie Magdeleine de la Croix a été instruite par Dieu Lui-même pour l’œuvre qu’elle allait fonder à partir de son expérience au désert, à la propriété du Désert. Et dans l’Evangile de Jean, Jésus nous dit que nos très lointains ancêtres, dans l’Alliance de Dieu avec l’Humanité, « avaient mangé la manne au désert et ils sont morts, mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange n’en mourra pas. Moi je suis le pain vivant qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai c’est ma chair pour la vie du monde. » (cf. Jn 6, 41-51)

« J’aimais le Bon Dieu »

La petite fille de 13 ans, Aimée, la toute jeune adolescente qui fait sa première communion le 18 mai 1823, fait l’expérience d’une relation très forte avec le Christ. Devenue adulte, devenue Mère Marie Magdeleine de la Croix, elle écrira à ce sujet : « Je crois pouvoir assurer, qu’avec tant de défauts et même de mauvais habitudes, j’aimais le Bon Dieu. Oui, je l’aimais en étourdie que j’étais, mais je l’aimais. Mon Dieu ! Je crois qu’en ce saint jour, mon cœur a dû être tout à vous. Pourquoi depuis trente-huit ans, le souvenir de ce grand jour m’émeut si profondément ? Ah ! Ce jour-là, il a dû se passer quelque chose entre vous et ce jeune cœur qui, trop misérable, ne dut pas comprendre que vous mettiez alors sur lui un cachet qui allait être son sauveur. »

A la propriété du Niagara et au Désert en 1837, elle a alors 27 ans, elle voit dans les esclaves le Christ souffrant. Elle écrit : « J’avais en horreur les maîtres qui étaient durs et même barbares à leur égard ; je souffrais horriblement toutes les fois que je savais qu’on les corrigeait au-delà de ce que la justice exigeait. Je n’ai pu voir corriger un esclave. Je crois que plus d’une fois, j’ai dû appeler la malédiction de Dieu sur les maîtres qui étaient vraiment féroces — c’est bien le mot. Plus d’une fois, j’ai caché le mal que j’ai vu faire dans la crainte d’un châtiment. J’ai toujours souffert de voir qu’on traitait ces pauvres esclaves plutôt comme des bêtes de somme que comme des êtres créés à l’image de Dieu. » Elle a certainement pensé au commandement donné par Jésus : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, de toute ta force et tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mc 12, 30-31). Peut-être qu’elle a pensé aussi à la lettre de saint Paul aux Ephésiens : « Frères, n’attristez pas le Saint-Esprit de Dieu, qui vous a marqués de son sceau en vue du jour de votre délivrance. Amertume, irritation, colère, éclats de voix ou insultes, tout cela doit être éliminé de votre vie, ainsi que toute espèce de méchanceté. Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse. Pardonnez-vous les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonnés dans le Christ. Oui, cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous, s’offrant en sacrifice à Dieu, comme un parfum d’agréable odeur. »

Fondation de la Congrégation

En 1849, Marie Magdeleine de la Croix va fonder la Congrégation des Filles de Marie. Elle réalise une œuvre révolutionnaire en mettant, sur un pied d’égalité, les filles blanches de la société et les esclaves nouvellement affranchies. C’est la première Congrégation de l’Église catholique à manifester la possibilité d’engendrer, pour des femmes de conditions sociales opposées, une citoyenneté terrestre à partir de leur citoyenneté des cieux grâce à la liberté des enfants de Dieu. La fondatrice des Filles de Marie est soutenue dans son initiative par Mgr Poncelet qui est Préfet apostolique — il n’y a pas d’évêque à l’époque. Elle est soutenue aussi par le père Jean-Louis Minot et par le père Frédéric Levavasseur.

Le 30 octobre 1849, le père Levavasseur annonce à Mère Marie Magdeleine de la Croix qu’il doit rentrer en France parce que le père Libermann est malade à Paris. Il n’y a que six mois que Marie Magdeleine de la Croix est supérieure générale de la toute jeune congrégation. Elle est dans l’épreuve. Marie Magdeleine porte la Croix. Elle est vraiment Marie Magdeleine de la Croix. Elle porte la croix dans son cœur et sur ses épaules. Elle écrit : « Oui, ce bon Père, d’une main me conduisait au milieu des ronces et des épines et de l’autre, me montrait le ciel. Le Seigneur me l’avait donné. Il avait voulu se servir de lui pour établir notre Congrégation ; maintenant il veut l’éloigner de moi ; il est le Maître ; je me soumets de tout mon cœur à sa divine volonté. La volonté de Dieu ! Rien que la volonté de Dieu. En elle, j’ai mis toute ma confiance ! Avec elle je m’abandonne, j’ai tout quitté pour la suivre et j’espère mourir en combattant pour elle. (…) Jésus me fait entendre intérieurement sa voix et souvent me dit : “Les autres se purifient par des macérations, le jeûne et les pénitences, toi par la souffrance… Plus tu souffriras, plus tu t’attacheras à moi. Ne crains rien, je suis là pour t’empêcher de te tromper, jette-toi sans réserve dans mon cœur ; ne te repose que sur mon cœur ! Tu ne pourras jamais comprendre tout l’amour que j’ai pour toi”. »

Le jour de son départ, le père Levavasseur donne à Marie Magdeleine de la Croix un seul mot d’ordre : « Jésus tout seul ». Et Jésus tout seul, aimé comme il aime, lui donne une liberté fondamentale qui lui permet d’être toute à tous. Pendant quarante ans, Marie Magdeleine de la Croix a semé la Bonne Nouvelle de la « fraternité vraiment fraternelle » en ouvrant les cœurs à l’amour ainsi que les frontières géographiques : La Réunion, l’île Maurice et Rodrigues, Madagascar, Zanzibar, Tanzanie, France. Les fondations se multiplient, des écoles s’ouvrent, des ateliers de couture, une léproserie à Saint-Bernard, des lépreux sont guéris, des boiteux marchent.

* * *

Rendons grâce à Dieu et que Dieu Notre Père, pour sa plus grande gloire, pour la beauté de l’Église, pour le rayonnement de sa mission, pour notre sanctification, pour une société plus humaine, plus fraternelle, plus juste, nous donne la grâce de la béatification de Mère Marie Magdeleine de la Croix. Qu’avec son aide, fleurissent de nouvelles vocations au mariage chrétien, à la vie religieuse, au sacerdoce ordonné, au diaconat et à l’engagement chrétien dans la vie sociale, économique et politique de notre pays, dans la Région et dans le monde. L’amour ne passera jamais !

Monseigneur Gilbert Aubry
Évêque de La Réunion


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